vingtains
Fiscalité et administrative au moyen age, les Vingtains
Les dépenses engagées par les communautés pour leurs contingents (achats d’armes, avances de soldes) ne constituaient qu’une infime partie d’un effort financier de grande ampleur. En effet, en Comtat comme dans bien des régions, la guerre suscita une fiscalité nouvelle tant au niveau des localités que du pays. Le financement des fortifications joua un rôle moteur dans cet essor des impôts municipaux. Ensuite, les tailles générales pesèrent de plus en plus. Celles-ci étaient octroyées à l’issue de la réunion des Trois États, dont les attributions connurent leur apogée durant le Schisme. Les recettes servaient à subventionner l’effort de guerre, à payer les armées de défense, à monnayer le départ des ennemis.
À l’échelle de chaque village se mit donc en place un système fiscal, reposant sur des tailles mais aussi sur une gamme d’impositions très présentes en Comtat, qui portaient sur le revenu des habitants et l’activité économique, les vingtains et leurs dérivés (dizains, quinzains, trentains, quarantains). Le petit village des Taillades emprunta ainsi à Cavaillon ses chapitres du vingtain38. Les communautés les plus modestes apprirent à désigner des collecteurs d’impôt, des auditeurs de comptes, des trésoriers. De façon fréquente, elles nommaient des procureurs pour garantir envers les autorités le paiement des cotes fiscales, en se constituant otage, ou pour emprunter de l’argent à Avignon. À l’inverse, les acheteurs des vingtains pouvaient être des marchands de la cité des papes.
Les communautés villageoises, acclimatées à l’impôt, étaient des acteurs à part entière de la vie publique locale. À chaque convocation des États, les bailes des localités sans institutions permanentes recevaient Tordre de réunir les habitants afin qu’ils désignent leurs représentants39. Ceux-ci étaient aussi présents lorsque Ton examinait les comptes des collecteurs des tailles générales40.
Ces temps de guerre furent donc propices au développement administratif des villages. De plus, le danger induisait directement la réunion des assemblées d’habitants. Grâce à un notaire instrumentant pour un coseigneur de Caumont, on sait que les habitants de ce village furent convoqués au moins à vingt-trois reprises entre novembre 1395 et avril 1396, soit une moyenne de près de quatre assemblées par mois. Il avait fallu faire face au danger imminent des compagnies et participer à la vie politique et fiscale du pays41. D’autres villages gagnèrent des institutions plus stables à cette époque, des syndics permanents au lieu de procureurs. Ainsi, Malaucène reçut en 1365, juste avant l’arrivée de Compagnies, l’autorisation d’élire deux syndics et huit conseillers, ce qui fut renouvelé en 1376, au temps des Bretons42. Bonnieux attendit 1384 pour être doté d’un conseil, grâce à des lettres du recteur43. L’écart institutionnel entre les villages et les villes se réduisit ainsi progressivement.
Une conséquence importante du climat de guerre fut enfin la formation, au sein des villages, d’un groupe d’« administrateurs », habitués aux charges publiques et militaires. Pour les offices de capitaines, les nobles étaient en général choisis, ce que l’on remarque à Velleron, Bonnieux ou Venasque, par exemple. Assumer au jour le jour la responsabilité de la sécurité du village était sans doute un moyen pour eux de préserver leur capital social. À leurs côtés, une élite villageoise se mit en valeur. Des notaires, des artisans (forgerons, fustiers, lapicides), de riches paysans consacrèrent une part de leur temps à gérer les finances communales, à participer aux États et assumer de nombreuses missions pour la communauté. Le développement de la vie publique, attisée par les impératifs de la guerre, participa ainsi à la genèse d’un milieu de notables.
***