Crousillat Exposition

VISITE DE L'EXPOSITION CROUSILLAT



Le mardi 12 janvier 2016, nous avions rendez-vous avec Antoine Blaise Crousillat. En effet, Lisa Laborie Barrière nous a guidés à travers l’exposition consacrée à notre poète local.

Né à Salon en 1814 il a rarement quitté la maison qui l’a vu naître et où il s’est éteint en 1899. Je vous ai déjà parlé de cette maison située près de la fontaine moussue (voir la rubrique «Salon autrefois : La Fontaine moussue » sur notre site). Issu d’une famille bourgeoise aisée, comme son père, il fabriquait des cierges pour l’église et la synagogue. Destiné au sacerdoce, il a étudié deux ans au grand séminaire d’Aix. Passionné par les lettres classiques, grec et latin, il commence à écrire des poèmes dans la langue de ses ancêtres, le «dialecte salonais» le patois local. Grâce à Roumanille de Saint Rémy, il fait la connaissance de Frédéric Mistral vers 1852. Et entre ainsi dans le mouvement félibréen.

Il a publié trois livres : 1865 «La Bresco» (rayon de miel) préfacé par Mistral.

En 1880, «Lei Nadau » (Les Noels) genre littéraire qu’il associe aux « Noels » de Saboly.

En 1893 il publie «L’Eissame» (l’Essaim) qui sera sa dernière œuvre.

D’autre part il rédige régulièrement des poésies dans des revues provençales.





Il ne participe pas à la création du Félibrige à Font-Ségugne mais sera toujours très proche des « primadié » (premiers félibres). Il est élu « majoral » du Félibrige et reçoit la « cigale d’or de Salon » en 1876.

Il aime signer ses œuvres et ses lettres «lou Garrigaud» (l’homme de la garrigue, l’homme des collines).

Grâce à ses connaissances sur l’étymologie des mots, il a aidé Mistral à l’écriture du «Trésor du Félibrige» Le dictionnaire et chef d’œuvre du «maître de Maillane».


Madame Laborie Barrière a abordé un coté inattendu de la vie du poète : nous avons découvert qu’en plus d’un homme de lettres, il aimait dessiner et côtoyait des artistes peintres comme Bonaventure Laurens, ou Jean Roch Isnard qui était devenu son ami et qui a peint le portrait que Salon vient d’acquérir. Ce tableau est le point fort de cette exposition.



Arlésiennes de Bonaventure Laurens




L'aquarelle ci-dessous, qui ressemble au tableau de Meunier que nous connaissons bien, a été peinte par A.B.Crousillat vers 1840.



Il connaissait également la musique puisqu’il a adapté ses « Noëls » aux mélodies de Saboly (XVIIème siècle). Ainsi ses manuscrits sont agrémentés de dessins et partitions.







L’exposition nous montre également son amour pour sa ville natale. Ainsi nombreux sont les poèmes où il chante nos collines, les rues et monuments, les personnages et surtout les «filles de Salon».

Une surprenante vitrine contenant des enveloppes postales, où les adresses assez révélatrices montrent l’évolution des titres du poète : Au début il est tout simplement «poète troubadour à Salon» puis «Homme de lettres» «poète provençal, fabricant de cierges» «Homme de lettres doyen du Félibrige» …

Madame la conservatrice s’est attachée également à retracer l’importance du poète dans le renouveau de la langue provençale.

La fin de ce joli voyage nous transporte en 1914 où la ville de Salon et les Félibres ont rendu hommage à A. B. Crousillat pour l’inauguration de son buste au pied de la tour de l’Horloge





Nous étions une vingtaine de membres de l’association à participer à cette visite et je pense que, même ceux qui n’ont pas une véritable culture provençale, ont apprécié les explications de madame Laborie Barrière. Elle a su nous montrer les multiples faces de la vie, du caractère, de l’artiste qu’était ce poète quasiment inconnu, qui a tant aimé sa petite ville.







Pour le plaisir je joins à ce texte un des rares poèmes qu’il a édité en français. J’aurais pu traduire un texte provençal, mais il sont tellement plus beaux en «lengo nostro»… ainsi je suis sûre de ne pas modifier le «parfum» du poème.
MYA



MA CABANE

Quel attrait peut avoir pour toi cette cabane,
Ce lieu triste et désert où s’ennuierait un âne,
Où pas un filet d’eau ne coule du rocher,
Où souvent tout se voit piteusement sécher,
Où nul fruit savoureux ne rafraîchit ta bouche,
Où la pierre est ton siège et la terre ta couche,
Quand tes membres lassés cherchent quelque repos,
Alors qu’un bon divan viendrait plus à propos.
A tout ce vain discours je fais la sourde oreille:
Ce lieu triste est pour moi retraite sans pareille,
Cette pauvre cabane autant qu’un beau palais,
Où, dans toute saison, comme un roi je me plais.
Le calme, le silence est propice à l’étude,
La méditation aime la solitude;
Devant l’âtre flambant ou sous les chênes verts
Mieux, tranquille, isolé, je sens couler mes vers.
Parmi les oliviers, au pied de la colline,
Souvent du jour naissant jusqu’à ce qu’il décline,
Je respire un air pur, je jouis du soleil,
Que je ne verrai plus dans l’éternel sommeil,
Quand poussière j’irai m’unir à la poussière,
Je marche avec bonheur le front dans la lumière;
Au moindre objet j’attache un regard curieux;
Le spectacle étonnant de la terre et des cieux
Toujours nouveau pour moi, me transporte, m’enivre,
Et me fait aimer l’Être en qui je me sens vivre.
Je ne suis jamais seul: maints poètes anciens
Ou modernes, latins, français, italiens,
Anglais ou provençaux me tiennent compagnie,
Et font nager mon âme en des flots d’harmonie.
Aux plaisirs de l’esprit, noble délassement
L’exercice du corps succède utilement.
Le faucil à la main, je taille, je retranche
Maint et maint rejeton, ou je coupe une branche.
Parfois même j’abats l’arbre stérile ou mort,
En creusant tout autour la terre sans effort.
Je borde mes sentiers d’hysope, de lavande,
Et de sauge et de thym, gracieuse guirlande
Dont le suc bienfaisant entretient la santé.
Spontanément je vois croître de tout côté,
Sur un sol rocailleux mieux qu’au sein de la plaine,
Immortelle, fenouil, sarriette, marjolaine.
D’autres fleurs, lis, glaïeuls, demandent peu de soin:
Il suffit que le ciel les arrose au besoin...
Et voilà, mes amis, comment ce lieu sauvage
Sait me plaire,... et comment, si ce n’est vivre en sage
Je me procure au moins, exempt de tout ennui,
Par le travail du jour un bon somme, la nuit.


Ruines de la borie de Crousillat
(photos de M. Brocard




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